LES ENFANCES ENSANGLANTEES

Interminable enfance, séquencée, rayée de cris, vouée aux plaisirs, aux corps dérivés, où pas et danses comptent autant que chuchotements, inqualifiable enfance aux couleurs vives des pages d’un livre, déchirée puis recousue, inlassablement précipitée. L’univers de Marie-Laure Dupont se déploie selon les aléas d’une navigation heurtée, les installations, les images, les photographies aspirent à rassembler ce qui se disperse, se brise. Comme s’il s’agissait de rendre compte violemment des vestiges après que les tempêtes aient soulevé trop de poussière, après que le vent ait entraîné dans sa course les chants si chers, après que le sang ait servi de fard unique. Car l’œuvre entretient un rapport particulièrement vif au langage comme au passé, au souffle, à ce miracle sans doute d’être en vie, coûte que coûte. En sachant qu’aucune paix n’est possible, qu’il nous faudra feuilleter toujours les images de l’animalité, du jouet, de la poupée. Et des ruines.


La lumière noire qui est parfois sollicitée offre une densité qui nous met à l’épreuve du temps et du réel. Peu à peu l’œil recompose une grammaire troublée par des mouvements contradictoires, entre le rêve et le cauchemar, l’apparition et une silhouette précisée, la figure peut paraître bancale, successivement nous saisissons une couleur, violemment fluorescente, puis une trace qui pourrait dangereusement se confondre avec la nuit et qui provoque le trouble, une ambiguïté même, un vertige. Des cendres persistantes semblent trahir nos yeux, des fantômes se soulèvent. Ce voyage pourrait tout aussi bien devenir celui d’une perdition comme d’une accessibilité à un autre monde. Nous traversons des régions abondantes qui auraient perdu leur matière, leurs épaisseurs, des régions voilées.

ml dupont marie laure dupont artiste photographe nantes site 11/2006@ webmaster benoit saury alias SdFgWM